Photo // Nikita Fedrov, notre artiste du mois
17/01/2020
Nikita Fedrov est photographe de rue depuis 30 ans, d'abord en Ukraine, puis au Maroc et enfin en France. Pour lui, la beauté est dans le vécu. Alors, il photographie les hommes et les femmes qu'ils rencontrent, à travers des portraits qui révèlent leur histoire, leur existence. Son travail témoigne d'une époque qu'il juge aliénante et qui contraint certains à n'être plus que l’ombre de leur ombre, les "Seigneurs" comme il les appelle. Découvrez notre artiste du mois, ses inspirations et ses aspirations.
Quelques mots pour décrire ton activité artistique.
A mon sens, la photographie n’est pas uniquement l’art d’observer et d’immortaliser un moment ; elle a pour mission de nous surprendre et de remettre en cause la façon dont nous percevons le monde qui nous entoure. Le reste n’est que détails.
J’approche à ma façon l’être humain à travers son existence et son évolution, dans un contexte social. La rue est pour moi le décor idéal, car elle est pleine de contradictions et de contrastes.
J’essaie d’apporter une critique pointue à cette force invisible qui tend à aliéner l’être humain et qui le pousse à n’être parfois plus que l’ombre de son ombre, comme disait Jacques Brel. Je rencontre des hommes et des femmes aliénés, robotisés comme des zombies, des morts vivants. Je photographie une époque d’esclavagisme moderne.
Quel est ton parcours ?
A Kiev, avec des amis des Beaux-Arts, nous avions monté un labo photo dans notre chambre d’étudiants pour tirer des photos prises dans la journée.
Mon premier compagnon dans cette aventure soviétique des années 80 a été le fameux appareil Zenit que j’ai pu acheter avec mes maigres économies. J’étais attiré par le monde situé derrière le rideau de fer ; et quotidiennement je consignais mon passage… C’est de là que j’ai développé mon penchant pour la photo réaliste.
Depuis cette époque, partout où je vais, j’ausculte le monde avec mon objectif.
C’était en argentique ; je ne me suis converti que tardivement au numérique. Toujours avec cette volonté d’être dans la continuité.
Ma toute première exposition, c’était à l’université de Kiev… Ici en France j’ai exposé dans plusieurs villes, à Puteaux, à Strasbourg, à Nîmes en collectif, à Paris (galerie « Art-Métal » à Montmartre).
J’ai réalisé un reportage sur les gilets jaunes qui a été publié dans un journal russe.
Quelles sont les œuvres ou artistes qui t’ont le plus marqué ou influencé ?
C’est très difficile de parler d’une influence ; un artiste est le fruit de son milieu et de son temps mais pour répondre à ta question, je dirais que : j’ai surtout été influencé par la littérature existentialiste comme celle de Sartre, Camus, Dostoïevski ; en lisant leurs romans, adolescent, je visualisais des personnages très sombres, dont je retrouve les traces dans mes photos.
Le petit prince de Saint-Exupéry a grandi en moi.
J’ai eu la chance de vivre derrière le rideau de fer – oui, ce fut malgré tout une chance car j’ai pu bénéficier des écoles philosophiques et artistiques de l’est et de l’ouest. Tandis qu’aujourd’hui, il n’y a pratiquement qu’une vision unique officielle et le reste c’est de l’« underground ».
Quels sont tes projets, tes envies ou aspirations ?
Beaucoup de projets comme des publications et des expos.
En ce moment, je m’intéresse beaucoup aux « vestiges urbains », les lieux chargés d’histoire et de vérités. Par exemple, le street-art ou encore l’urbex m’attire beaucoup.
Propos recueillis par Céline
Site : thecontrast.fr
Instagram : nikitafedrov
Commentaires