Artistes confinés #2 // Xavier Blondeau, photographe
05/04/2020
Nous avons interrogé plusieurs artistes pour comprendre ce que le confinement changeait à la pratique de leur art. Comment l’obligation de rester enfermé.e impacte-elle leur créativité ? Quelles sont les conséquences pratiques et matérielles du confinement sur leur organisation, leur situation ? Bref, comment continuer à être un ou une artiste en temps de confinement !
Xavier Blondeau questionne la place de l’individu dans son environnement, au sein d’espaces modernes et standardisés. Epurées, à la limite de l’abstraction, jouant avec la lumière et l’obscurité, ses séries photographiques représentent des non-lieux, déshumanisés et baignés de solitude. Xavier Blondeau parvient pourtant à y révéler l’empreinte de l’humain, comme une présence évanescente et mystérieuse.
Des images qui font écho à la situation actuelle, où des villes entières se retrouvent vidées de leurs habitants. Xavier nous a confié sa perception des événements et de leur impact sur sa vie artistique.
Dans quels états émotionnels (peur, ennui, colère, espoir, etc.) te plonge le confinement obligatoire ?
Je suis très surpris de mon calme et de ma sérénité dans le confinement. Mon penchant naturel va vers la solitude. Ce repli sur soi n’est pas une gêne pour moi. Ce silence intérieur m’aide à calmer mes angoisses existentielles. Je suis habitué à les gérer quand je me mets dans ma bulle. En revanche, je trouve le décalage entre ceux qui restent chez eux pour protéger les autres et ceux qui se mettent en danger pour les soigner, extrêmement déstabilisant – être à l’écart pour le bien de tous !
Parfois, la colère et le découragement m’envahissent quand je vois la peur chez les autres qui se transforme en bêtise – vidant les rayons alimentaires pour les uns, manquant de civilité élémentaire pour les autres… et ses nouvelles qui tournent en boucle, nous empêchant de réfléchir et de prendre du recul.
Ces émotions sont-elles favorables à ta créativité ?
Ce ne sont pas tant les émotions qui influencent ma créativité, mais plutôt la situation d’isolement apparent qui donne un cadre particulier. Ce confinement me permet une sorte de recueillement afin de laisser du temps au temps. Se mettre en retrait comme pour mieux laisser l’inspiration venir à soi. Il faut dire que la situation dans laquelle je me trouve n’est pas trop contraignante. Je me retrouve avec ma femme et Paul, mon fils de 19 ans dans notre grande maison en plein centre d’une petite ville. Mes deux filles sont à l’étranger pour leur études, à Montréal (Canada) et à Édimbourg (Ecosse). Nous les avons tous les jours en vidéoconférence.
L’obligation de rester chez toi te rend-elle plus prolifique ?
Je ne prends jamais le temps de développer entièrement les photographies obtenues lors de prises de vue. J’accumule beaucoup d’images avec le temps.
Le confinement me conduit alors à remettre mon nez dans mes archives. Et je suis surpris de découvrir des petits trésors ! Chaque image retrouvée est une chance de ressentir une émotion oubliée. Je travaille alors ces images, parfois très tard dans la nuit !
Quelles solutions, quelles nouvelles habitudes as-tu déjà mis en place dans ton activité artistique ?
Je m’astreins à une « hygiène artistique » en postant sur mon compte Instagram @xavier_blondeau, une photographie par jour consacrée à un voyage que j’ai réalisé à Montréal et à New-York en mai 2017. Je ne cherche pas une série, mais à travailler une photographie qui a attiré mon regard. Si le confinement continue, j’irai voir d’autres voyages effectués dans le passé (Australie, Antarctique, Tunisie, Nouvelle Zélande…).
Le contexte sanitaire et la situation de confinement influencent-ils déjà ta production artistique ?
De part le confinement, il n’est pas possible de sortir. Je ne peux réellement prendre des photographies comme j’avais l’habitude d’en faire. Si le confinement continue, je ferai comme le font déjà certains photographes, des prises de vue de chez moi. En revanche, le confinement laisse mon esprit divaguer, et des projets germent doucement. Affaire à suivre !
Crains-tu pour ta situation financière et plus généralement pour ton activité artistique après le confinement ?
J’ai la chance d’avoir une activité professionnelle non artistique dans le milieu universitaire. Je suis maître de conférence en Biochimie. Mon travail universitaire peut se réaliser chez moi, en toute tranquillité. C’est loin d’être le cas pour mes amis artistes qui se trouvent très généralement en pleine galère – plus d’expositions, plus de résidence artistique, plus de vente et surtout plus de cours à donner dans des institutions.
Propos recueillis par Céline
Site Internet : http://xbphotographe.com/
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Instagram : https://www.instagram.com/xavier_blondeau/
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