CRD, sculpteur de lumière
14/09/2016
Si des grands maîtres, tels Harry Callahan, Ray K. Metzker, Aaron Siskind ou encore Adam Fuss, eurent une influence déterminante sur son approche de l’art photographique, à commencer par la place prépondérante qu'il consacre à l’abstraction dans son travail, Man Ray demeure sa plus grande source d’inspiration. Rencontre avec CRD, Cédric R. Destailleur, un sculpteur de lumière.
Si des grands maîtres, tels Harry Callahan, Ray K. Metzker, Aaron Siskind ou encore Adam Fuss, eurent une influence déterminante sur son approche de l’art photographique, à commencer par la place prépondérante qu’il consacre à l’abstraction dans son travail, Man Ray demeure sa plus grande source d’inspiration. Rencontre avec CRD, Cédric R. Destailleur, un sculpteur de lumière.
Comment en es-tu venu à la photographie ?
J’ai suivi une formation d’Histoire de l’art, puis j’ai commencé à travailler dans le dessin ancien. J’étais très sensible à la ligne et au trait. Ensuite, dans les années 90 j’ai vu une exposition consacrée à Man Ray, et notamment son Space writer, un travail qu’a réalisé le photographe dans les années 20-30, où il écrit avec de la lumière en jouant sur la décomposition de la lumière sur le papier photographique. J’ai trouvé ça absolument incroyable qu’il sache créer de l’abstraction qui jusque-là, était pour moi le propre de la peinture, je trouvais intéressant de la retrouver en photo… mon travail est parti de là.
Pourquoi s’intéresser à l’abstraction en photographie ?
Parce que c’est un champ peu exploré. Et puis à l’heure où tout le monde est bombardé de photos figuratives, il me semble intéressant de prendre le contre-pied en faisant des photos ne montrant pas la vie, le quotidien de manière directe, mais de manière peut-être plus sublimée, indirecte.
Techniquement, comment tu t’y prends?
Je joue sur deux éléments, le temps de pause et le mouvement. Je vais prendre un temps de pause sur mon Reflex le plus lent. C’est-à-dire que par rapport à la lumière, au lieu d’avoir un instantané d’un 8e de seconde je vais faire une ouverture d’une seconde et dans le même temps je vais jouer avec le mouvement de l’appareil. Les gens dans la rue sont parfois un peu surpris parce que je prends une photo mais je bouge dans tous les sens.
Du coup, tu ne sais pas ce que ça va donner tant que tu n’as pas vu le résultat.
Non, en effet et j’aime bien cela. C’est notamment comme ça que j’ai commencé à faire mes séries. Très souvent je vais avoir une envie, pas une idée mais une envie. Je vais voir un motif et j’ai envie de le photographier en faisant le mouvement et en jouant sur la lumière et ensuite quand je regarde je commence à creuser. Je n’ai pas trop voulu pousser dans la technique parce que j’aime bien le coté aléatoire, inconnu
Pourquoi la lumière ?
Parce que c‘est tout. Man Ray disait la lumière est tout, tout vient de là mais personne ne la voit. Et c’est vrai. On ne voit pas la décomposition de la lumière, personne n’y fait attention. Et pourtant on va être subjugué parce qu’on voit un superbe coucher de soleil.
Dans ton travail, tu as toujours eu cette attention particulière portée à la lumière ?
Ah oui tout le temps, déjà quand j’évoluais dans le dessin ancien, la manière dont les dessinateurs du 18e travaillaient sur la lumière avec les réserves m’interpellait. Ils ont fait un travail incroyable sur la lumière.
Comment te définirais-tu par rapport à tes séries sur la lumière, sculpteur de lumière ?
Oui, il y a une technique, le light painting, qui est assez proche de ce que je fais et au début je me suis dit ça y est j’ai trouvé un terme qui définit ce que je fais, parce qu’évidemment je n’ai rien inventé. Mais le light painting n’est pas tout à fait la même démarche que la mienne, ils prennent une source lumineuse qu’il jette et ça fait des formes. Il n’y a pas vraiment l’abstraction.
Ils travaillent d’abord la source de lumière alors que toi tu ne travailles qu’avec la lumière.
Exactement c’est le sujet unique. Et ce qui est marrant c’est de voir la réaction des gens. Souvent ils me demandent mais là c’est quoi à là-bas et quand je leur dis je vois qu’il y a un truc qui se perd.
Tu exposes beaucoup ?
J’essaie en tout cas. J’ai exposé deux fois à New-York. A la maison d’art de New York. C’était sur l’idée de la résistance de la photo justement. Ça s’appelait Résistances. Ça questionnait la façon de continuer à faire de la photo d’art à l’heure où la photo envahit nos vies par le smartphone, partout. Et là j’ai une exposition à l’UNESCO en novembre et une à Cuba en décembre, un travail abstrait autour de la figure Severiano Deredia, un Cubain mais aussi le premier maire noir de Paris et ministre des travaux publics.
Ta dernière exposition s’appelle Résonances, pourquoi ce titre ?
C’est en rapport avec l’idée de la vibration de la lumière. La lumière résonne et on ne l’entend pas. La lumière vit et l’idée est de montrer ces instants de vie de lumière qui nous échappent. Et bien sûr la résonance par rapport à nos émotions.
Propos recueillis par Marie
CRD, Cédric R. Destailleur, www.crdphoto.com
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