En adaptant le célèbre roman éponyme d’Éric Reinhardt, le Moral des ménages, Stéphanie Cléau signe une très belle première mise en scène et s’empare avec talent d’un sujet cher à son auteur.

Dans son roman, Reinhardt donne la parole à un narrateur virulent envers le misérabilisme de son père humilié au travail comme à la maison, un père paralysé, impuissant à s’extraire de sa condition. Comment le fils tente de réussir là où le père a échoué, c’est-à-dire échapper à sa classe sociale et avec quel succès ? C’est tout l’enjeu de la pièce (et aussi de la mise en scène) qui choisit de traiter le sujet en regardant le narrateur depuis différents points de vue.

Depuis celui où il se situe : la complexité du personnage, Manuel Carsen, incarné au plateau par un Mathieu Amalric absolument talentueux, se dévoile au spectateur à mesure qu’il déplie un réquisitoire acide sur l’enfer familial tel qu’il l’a vécu.

Depuis son rapport aux femmes : tandis que les femmes qui peuplent sa vie traversent la scène, le portrait de Manuel Carsen s’affine en même temps qu’il s’affaisse. Ces femmes – l’amante-femme objet,  la mère castratrice, l’épouse idiote, la fille révélatrice – sont toutes portées par la superbe performance d’Anne-Laure Tondu, merveilleuse de présence jusque dans ses silences.

Depuis ce qu’il ressent grâce aux projections des dessins au charbon du dessinateur Blutch, représentant l’univers mental de Manuel Carsen.

Bref, une pièce très réussie avec un duo d’acteurs que nous vous recommandons vivement d’aller applaudir  au plus vite !

Marie.

Le moral des ménages, mise en scène de Stéphanie Cléau, avec Mathieu Amalric et Anne-Laure Tondu, jusqu’au 31 octobre et du 3 au 20 décembre au théâtre de la Bastille.

Le moral des ménages, Eric Reinhard, Stock, 2002.

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