Le principe
26/03/2015
Dans son dernier et superbe ouvrage "Le principe", Jérôme Ferrari analyse l’incapacité humaine à comprendre la mystérieuse beauté du monde et les conséquences qui en découlent.
Dans son dernier et superbe ouvrage « Le principe », Jérôme Ferrari analyse l’incapacité humaine à comprendre la mystérieuse beauté du monde et les conséquences qui en découlent.
En revisitant la biographie de l’illustre physicien allemand Werner Heisenberg, père du « principe d’incertitude », et en regardant du côté de ses contemporains, l’auteur, avec cette posture à la fois philosophique et éminemment poétique qu’on lui connaît, s’excelle à décrypter la chute de cette poignée d’hommes qui, parce qu’ils « voulaient comprendre », sont allés « regarder par-dessus l’épaule de Dieu » pour découvrir qu’ils « étaient arrivés là où le langage a ses limites, qu’ils avaient exploré un domaine si radicalement étrange qu’on ne peut l’évoquer que par métaphores. » Et c’est précisément en cet endroit, où les sciences et la poésie se confondent, ce lieu où il faut sans cesse « réinventer ce que signifie comprendre » que Ferrari, en sa qualité de poète, s’installe pour embrasser l’inexorable marche du monde.
De fait, que retenons-nous du parcours de ces Icare modernes qui posèrent les bases de la physique quantique et inventèrent la bombe atomique, si ce n’est « qu’Oppenheimer, malgré son penchant regrettable pour les formules sentencieuses, a parfaitement raison : les physiciens ont connu le péché, un péché bien trop grand pour eux. » Une leçon que la grande Histoire n’a pas voulu reconnaître puisque quelques années plus tard ce fut au tour des mathématiciens de pécher en élaborant : « dans leur bureau de la City, les algorithmes infaillibles qui décident, avec une rapidité que l’esprit humain ne peut même pas se représenter, des ordres d’achats et de vente sur tous les marchés du monde. »
Dans ce dialogue fictif, entre le passé des physiciens et le présent du narrateur, Ferrari s’attache à montrer le dispositif itératif qui se met en branle chez l’homme face à la beauté mystérieuse du monde. Car nous dit l’auteur avec un pessimisme teinté de clairvoyance : « Notre créativité, nos rebellions, nos bruyantes irrévérences ne sont plus que les symptômes pitoyables d’une soumission sans précédent. » Un processus auquel n’échappe ni le poète, quand il tente d’approcher la beauté du monde en la contraignant derrière des mots, ni le scientifique, qui à défaut de la comprendre essaie de la maîtriser.
A méditer…
Marie
Le principe, Jérôme Ferrari, Actes sud (2015)
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