Poésie // « Fers » de Véronique Gentil
02/01/2019
Dans son recueil de poésie "Fers", Véronique Gentil n’utilise pas les mots, elle les écoute tout d’abord, un peu comme elle doit faire avec les couleurs - elle est peintre également - son œil écoute. Elle écoute les mots, les suit pas à pas & prenant le temps, celui de la foudre ou celui du chat qui s’étire, elle les dispose, les articule, les considère, précieusement, sauvagement.
Comme une douceur qui vous saute au visage, ce livre. Comme une caresse, la première ou la dernière, je ne saurais dire. & le temps au milieu, la présence du temps, qui s’affine ; un jour, commune absence à tous, notre absence au bout, empreinte de soi qui dit silence & le silence entaille la parole qui se déverse, jusqu’à la fin.
Fers est un recueil-âme-sœur, on le trouve, enfin, il est là, il répond, il écoute, notre solitude le connaissait déjà depuis longtemps ; la solitude, Véronique Gentil, nous la partage comme du pain, à part que ce sont des mots & dans ces mots, de la mie ; de la mie tendre au fond de ma gorge & pour les oiseaux s’ils se présentent.
Lire Fers, c’est faire chanter ma voix silencieuse, celle qui précède l’écriture. Merci.
C’est un recueil amoureux & dur, où absence & présence s’accouplent pour donner un sens à tout ça, à ce réel qui fait sauter nos verrous les mieux fermés ; où présence & absence copulent pour donner naissance à un tiers, à un vide où vivre serait alors possible.
Malgré
Peut être
Vivre
Ce livre se gravit plus qu’il ne se lit. Il y a des sommets :
le noir est un symbole et n’est pas un symbole selon qu’il est saisi par la pensée ou par les nerfs
car ces lésions sont de grands réservoirs
il faut se dire cela et rien d’autre
ou cesser de vivrele thorax prend l’infini dans de longues jarres d’air et des désirs de grammaire viennent nous réhanter.
& puis le fer n’est-il-pas l’agent qui transporte l’oxygène dans le corps humain ? C’est ça, d’une écriture raffinée, & brute dans ce qu’elle dit, Véronique Gentil nous pousse à respirer ; entre les lignes, entre ses mots, du souffle en décalcomanie.
Son éditeur, Hugues Beesau est aussi un homme attentif au souffle. J’ai eu la chance d’avoir une chaise à côté de lui & quand deux chaises se rencontrent, les gens assis/dessus/aussi/ normalement.
Barthes disait de la littérature : « … qu’elle met en scène le langage, au lieu, simplement, de l’utiliser (…) »
Véronique Gentil n’utilise pas les mots, elle les écoute tout d’abord, un peu comme elle doit faire avec les couleurs, elle est peintre également ; son œil écoute. Elle écoute les mots, les suit pas à pas & prenant le temps, celui de la foudre ou celui du chat qui s’étire, elle les dispose, les articule, les considère, précieusement, sauvagement…
& je pressens que son éditeur, Hugues Beesau, à ce presque tout de l’écoute, quand sur nos chaises respectives, on bavardait, j’entendais ce friselis de l’air, entre les mots.
Fers c’est aussi : quand l’écoute écoute, que faire ?
valérY meYnadier, écrivaine
Fers, recueil de poésie de Véronique Gentil, Editions Le Vampire Actif (2011)
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